Mai 1944
Le printemps était de retour, Pierre m’assurait que ce serait bientôt finis cette guerre, ces assassinats, tout ce monde horrible qui gravitait autour de nous. Nous préservons du mieux que nous pouvions notre petit garçon car pour ses sœurs il fallait que cet enfant passe à leurs yeux comme celui de Pierre. C’est l’aînée de ses sœurs qui nous a bien aidé en expliquant aux deux plus jeunes que Pierre avait eu un bébé avec moi. Elle a dû avoir les mots juste car la plus jeune répétait en chantant c’est moi la tatan et comme elle n’avait que cinq ans cela passait aux yeux des personnes qui venaient à la ferme pour une vérité.Bien entendu cela m’a valu quelques quolibets de la part de la cuisinière qui, un matin, m’a asséné de sa grosse voix :
Alors ma petite on a tiré le gros lot en mettant la charrue avant les bœufs.
Étonnée par ce langage que je ne connaissais pas je n’avais rien répliqué mais la mère de Pierre qui passait par là, s’en était offusquée et l’ avait réprimandé. Elle avait tourné son torchon a vaisselle et balbutié :
Excusez-moi Demoiselle j’ai pensé plus vite que je n’ai parlé. Puis elle avait quitté la cuisine et attendu le départ de sa patronne pour m’apostropher méchamment pendant que je préparais le biberon de mon fils.
Méfiez-vous je vous ai à l’oeil, Mr Pierre est trop gentil de s’occuper d’une Marie couche toi là. Je suis bien certaine que ce gamin est celui d’un allemand. Il a les yeux bien trop claire pour être un petit « Pitaval ». Allez dépéchez-vous de quitter ma cuisine, moi, je ne passe pas mon temps à rêvasser.
Et elle me poussa vers la porte avec mon biberon de lait chaud. Je montais quatre à quatre les escaliers et je retrouvais Chantal la cadette de Pierre qui finissait de langer son neveu. Bien entendu elle aspirait à lui donner le biberon, elle n’était pas en classe car le collège avait été fermé suite à une descente de la milice et de la gestapo. Elle était pensionnaire à Nantua. Elle avait débarqué de la voiture du maquignon qui connaissait bien son père pour lui avoir vendu des chevaux avant la guerre.
Elle était devant la gare et pensait trouver un train mais une alerte avait jeté tout le monde dans les abris de la gare quand le « père Michalon » qui attendait son fils l’avait aperçu. Dans la bousculade elle avait perdu son sac et c’est tout naturellement que le fils du maquignon lui l’avait rendu. Son père après l’alerte lui avait proposé de l’emmener à Cerdon ou ils se rendaient chez ses parents. Et c’est ainsi que la veille , Chantal était arrivé en compagnie des Michalon.
Elle était très active auprès de son neveu car, pour elle cela ne faisait aucun doute que Noël était de sa famille.Pierre venait moins souvent chez ses parents, il lui fallait se cacher davantage. A Nantua en décembre 43 il y avait eu des représailles, depuis le réseau avait perdu des hommes déportés en Allemagne dans des camps de travail. ( Véridique, la bataille du Bugey). Le Docteur qui profitait de sa convalescence pour suivre Noël m’a demandé discrètement un matin de porter un papier à Félix dit le Félin, c’est lui, qui, en compagnie de Tonio l’avait accompagné à la ferme. Le Félin devait m’attendre sur la route qui va à Nantua, j’allais profiter de la voiture du père Michalon. Comme je ne connaissais Le félin que de nom, on lui avait envoyé un message radio afin qu’il comprenne que c’était moi. La veille de notre rencontre sur la radio j’ai entendu ce message : » Demain Angèle, (mon nom dans la Résistance) mettra sa robe à coquelicot, ce message était au milieu de beaucoup d’autres mais pour Pierre et Le Félin cela signifiait que j’irai sur le petit pont de pierre remettre un message à leur réseau. Ce que j’ignorais c’est que Pierre avait envoyé un message quelques heures plus tôt qui disait. Félix aime les coquelicots. C’était aussi un signal pour tous les résistants de l’Ain et du Jura. Comme un cri de ralliement. Toutefois le Dr Morand par mon intermédiaire leur remettait un message qui émanait du haut Commandement de la Résistance de tout le Bugey.
J’avais glissé ce document dans l’ourlet de ma robe. C’était très fin et pourtant je ne voyais rien d’écrit dessus. Notre bon docteur l’avait expliqué qu’il fallait un révélateur pour en connaître la teneur.
Sous aucun prétexte je ne devais parler au maquignon de quoi que ce soit et me méfier de toutes les questions qu’il était susceptible de me poser. Si j’étais prise je devais dire que j’étais la compagne de Jules et que je revenais chez moi. Je connaissais le nom du Colonel Guerber le « beau-frère » de Tonio, ce serait un sésame pour ma survie. A mes yeux me faire prendre ce n’était pas possible, surtout que Pierre était recherché, sa tête placardée sur tous les arbres. Il disait que c’était un terroriste. Lorsque Mariette a appris que j’irai me jeter dans la gueule du loup, elle a juste pleuré et m’a dit :Magdeleine je devrais te retenir mais comme Pierre ne peut plus monter à la ferme sa tête est mise à prix, je te supplie de faire demi tour si tu vois que cela risque de te mettre dans une situation impossible. Pense à ton bébé.Et Paul son époux me prenant dans ses bras m’a dit :Ton fils est notre petit fils, accomplis ta mission et reviens nous vite. Si par un grand malheur tu ne devais pas revenir sache que Noël sera choyé comme nos propres enfants. Le père de mon amoureux ne connaissait pas mon passé, ma mère morte et mon père disparu. L’ histoire ne se répète jamais deux fois, je passerais au milieu des mailles du filet.
Tu me fais peur avec ce nouvel épisode.
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Elle prend des risques la petite !
Bises et bon dimanche – Zaza
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Mais oui bien sûr elle passera les mailles du filet mais c’est pas sérieux …je crains le pire
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Espérant que tout se passe bien …
Bonne soirée de ce dimanche, Eve Joe.
Bisous♥
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Elle a beaucoup d’espoir. Espérons avec elle.
Bisous EvaJoe
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Tu décris bien ces temps de trouble. Mon père a été dans la résistance. Le peu que j’en sais donne le frisson. Quel courage il faut avoir!
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