L’enfant de personne/ 8

Le calvaire ( fin)

Ce matin alors que je verse le café au commis je suis prise de nausée, je vomis. Je me demande ce qu’il m’arrive. Tonio me regarde et me dit vous allez avoir un bébé, ma soeur aussi ça lui arrive le matin de vomir. Et la mère a dit elle s’est encore faites engrosser par son boche.

Ah bon lui dis-je, elle vit avec un occupant.

Non, mais elle fricotte avec eux.

Et sur ces mots il prend sa casquette et s’en va. Je me sens dégoûtée et sale, j’ai un bébé qui pousse dans mon ventre, je ne peux pas rester ici. Il faut que je m’en aille coûte que coûte, je ne dirais rien à la brute épaisse avec qui je suis contrainte de vivre que j’attends un enfant. Car je n’ai pas eu mes petites affaires comme dit Jules. Mais cela m’est déjà arrivée plusieurs fois sans que je sois grosse.

Faire comme si, je dois être docile, ne faire cas de rien et chercher comment m’en aller. J’ai découvert dans la cave où il continue de m’enfermer que derrière des pots de conserves il y avait une porte qui partait dans la campagne. J’espère de tout mon coeur qu’à la nuit tombée ces « nouveaux amis » viennent. Comme à son habitude il fermera la trappe et il reviendra me chercher une fois sa nuit de beuverie terminée. Dès que j’y serais je partirais. Une fois j’ai eu envie mais je n’en ai pas eu le courage. C’était l’hiver je n’étais pas habillée pour affronter les intempéries des hauts plateaux du maquis de l’Ain.

On est à la fin du printemps 43 demain ce sera l’été, même qu’avec ma robe ou ma blouse je pourrais parcourir des kilomètres et il ne me retrouvera jamais. J’ai trouvé une paire de bottes, elles me vont je les ai planqué pour un éventuel départ si l’occasion se présentait.Hélas, rien ne s’est passé personne n’est venue à la ferme, je tremble qu’il découvre que j’ai pris du poids. Il m’a dit après toutes les fois où il m’a prise de force ou non que je devais être stérile car des bébés il en avait eu énormément. Sa première femme en avait eu cinq dont deux vivants, quant à la seconde elle en avait eu trois, deux à l’hospice des indigents à Lyon, le dernier avec sa mère à Arles. Plus disait-il en ricanant toutes les filles qui lui tombaient sous la main.

Cela fait un mois que je suis certaine d’attendre son enfant. J’ai grossi, lui pense que je mange dans son dos, il voulait me fouetter pour me faire rentrer mon ventre lorsque nous avons entendu plusieurs voitures arrivées dans la cour de la ferme. Il m’a fait descendre dans la cave, il était 15 h jamais ni les gendarmes, ni les allemands étaient venus en journée. C’était bizarre, j’entendais des cris, des bruits forts, des chaises renversées puis une voix disant on l’embarque et, finalement un coup de feu. Des voitures qui repartent et plus aucun bruit.

La cave est éclairée par une ampoule faible, depuis quelques secondes elle clignote, elle va s’éteindre. Rapidement j’essaye de pousser l’étagère et je découvre stupéfaite qu’un mur remplace la porte qui aurait dû me permettre de m’échapper. Jules ne revenait pas me chercher, était-il mort ? Ou était-il parti avec ceux qui hurlaient. Il fallait que je remonte l’échelle qu’il n’avait pas eu le temps d’enlever et que j’essaye d’ouvrir la trappe. A la première tentative je ne la soulevais que de quelques millimètres. A la deuxième un peu plus mais elle redescendait bien plus vite que je ne la soulevais.Il me fallait un morceau de bois pour la coincer. Je redescends les marches étroites en évitant la chute et trouve entre deux éclairs de la lampe un gros gourdin. Avec ce sésame de fortune et m’aggripant tant bien que mal au montant j’arrivais à soulever la trappe, à glisser le gourdin et je me faufilais par la petite ouverture. La chambre était intacte contrairement à la cuisine, tout était sans dessus dessous. Les placards de victuailles étaient vides. Heureusement mon sac à dos lui n’avait pas bouger et au fil des jours j’y avais mis des noix, des pommes, de vieux fromages un ou deux quignons de pain noir que l’on donnait aux cochons. La récolte était maigre mais j’arriverais bien à trouver un lieu plus accueillant.

A l’extérieur j’eus la surprise de voir Tonio le commis qui avait creusé un trou, en me voyant il se mit à pleurer en me disant les maquisards ont tués votre mari. Je ne lui dit rien sauf je devais m’en aller indiquez moi de quels côtés sont les maquisards.

– Vous êtes folle partez plutôt par la forêt et cachez-vous si vous entendez des voix.

Ce n’était pas mon mari il me séquestrait.

Tonio est abasourdi, mais c’était un brave gamin, il laissa le corps de Jules et m’a indiqué par quel chemin je pouvais rejoindre le petit village du Cerdon.

– Comme vous n’allez pas vite vous allez devoir vous arrêtez en chemin, je connais un endroit qui s’appelle la vieille ferme. Il y a à gauche de cette bâtisse une grotte, vous pourrez y passer la nuit. J’espère que vous avez des vêtements chauds car les nuits sont froides en altitude. Attendez-moi je reviens.

Tonio parti à toute vitesse dans l’écurie, quand il fut de retour il serrait sous son bras un grand manteau de berger c’était celui de la fermière.

– Avec cette grande cape vous n’aurez rien à craindre ni de la pluie ni du froid mordant des hauts plateaux. Maintenant partez vite, il y avait beaucoup de victuailles car c’était jour de ravitaillement. Le Maquis a dû être informé. Les Allemands seront là dans quatre heures. Je pars et je ne reviendrais plus, je laisse le corps du patron. Courage Mademoiselle adieu.

A suivre…

Auteur : Eva Joe

Ma plume ne s'essouffle jamais, elle dessine des arabesques sur la page de mes nuits, elle se pare comme un soleil en defroissant le ciel. En la suivant vous croiserez tantôt Pierrot et Colombine dans mes poèmes ou Mathéo et son secret et bien d'autres personnages dans mes nouvelles et mes suspenses.

6 réflexions sur « L’enfant de personne/ 8 »

  1. Aaaah! La voici débarrassée de son horrible geôlier! Elle va pouvoir mettre les voiles. Enfin! J’espère qu’elle va avoir un peu de chance pour changer la pauvre.

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