L’enfant de personne/2

La vieille, une femme aigrie par une vie de servitude chez le Châtelain du coin ne m’aimait pas. Toutes les basses besognes étaient pour elle. Curer l’auge à cochons, frotter le carrelage aux tomettes rouges du grand hall d’entrée à quatre pattes comme elle le répétait inlassablement.
J’aurais pu être heureuse dans la demeure de Maître Jean et de Maîtresse Jeanne nom dont les affublait les bonnes et autres valets qui étaient à leur service. Mais j’étais l’enfant de personne. J’ignorais qui était mon père et pire ma mère la fille de l’aïeule était morte en me mettant au monde. J’étais maudite, je portais le fardeau que mon père avait dû choisir. Entre laisser vivre ma mère ou moi, il m’avait choisi pour mon plus grand malheur. Puis il m’avait regardé selon Pierrot et pris sa houppelande son bâton et avait claqué la porte, tout en disant : mère occupe toi de la petite, ma femme était ta fille et c’est le fruit de notre amour. Si je reviens et que tu ne l’as pas aimé, ma vengeance sera terrible.
Qu’est-ce que c’est que l’amour ? Car je suis la souillon du frère de mon père et qu’as fait mon père pour être mis au banc de la société ?
Mon oncle, Maître Jean m’a violé depuis le jour où j’ai piqué une grosse colère car sa fille me tirait les cheveux. Il est sorti de son bureau et s’est précipité sur moi, m’a attrapé par les cheveux. Les a tiré en arrière et m’a assèné un coup de ceinture sur les jambes j’ai hurlé, il m’a poussé de force dans son bureau en a claqué la porte et m’a dit à nous deux.
Il m’a déshabillé de force malgré mes cris de terreur, a déboutonné sa braguette et m’a prise de force je n’avais que 10 ans, ensuite avec un fouet dont il se servait pour frapper le bétail et  tous ceux qui lui résistaient il m’a fouetté sur tout le corps jusqu’au sang.
C’est Pierrot qui m’a emporté dans la grange et m’a soigné et là il a voulu à son tour  me prendre. J’ai hurlé et me suis sauvée. C’était un 20 décembre ,c’est le jour où les gendarmes sont venu annoncer la disparition de mon père. Depuis je suis la fille de personne. Seul le Maître a autorité sur moi, je le crains aussi je me plie à toutes ses méchancetés, il m’a violé plusieurs fois, je ne me débat plus, je le subi, j’attends jusque ça passe.

Depuis quelques jours j’entends marcher dans la nuit, je n’ai pas peur, j’ai 12 ans, je suis une femme comme m’a dit mon oncle et depuis quelques temps il ne me touche plus, depuis qu’il a reçu une lettre du ministère. Lettre qui l’a bouleversé, mais s’il en a parlé ce n’est pas en ma présence.
Ce matin on frotte la maison, on m’a lavé habillé avec une robe rose longue, j’ai des bas blancs et des chaussures noires vernies, un joli chapeau rose le tout assorti d’un paletot blanc. Ma cousine est en bleu et Pierrot a mis son costume du dimanche. Pierrot je viens juste de l’apprendre c’est mon cousin. Il a 17 ans et il est selon, Martine la bonne qui est aussi à mon service, simplet.Elle se moque de lui ce qui n’est pas gentil. Elle ferait bien de se méfier car mon cousin Pierrot en pince pour elle. Moi je rase les murs quand je le vois car son père lui a dit un jour qu’il avait abusé de moi quand elle sera plus vieille tu l’épouses, ses biens et les nôtres seront à toi, en attendant occupe toi plutôt des bonnes.
Donc ce matin je n’ai pas le droit de bouger, un grand carton a été déposé dans ma nouvelle chambre, c’est une poupée au visage de porcelaine. Je ne suis pas un bébé, qui m’a offert ce cadeau je demande à ma tante car dorénavant je dois l’appeler ma tante.
Tu auras la surprise prochainement mais je pense que tu nous quitteras en attendant soit gentille et oublie ce que t’as fait ton oncle. Je n’en reviens pas et encore aujourd’hui je me dis que j’ai été bien bête de n’avoir rien dit. Elle savait ce que me faisait subir mon oncle et elle le laissait faire, elle aussi je la hais.
Huit jours plus tard, j’ai vu arriver un homme vieux, voûté qui m’a dit je suis ton papa. Je combattais en Asie et j’ai été blessé, j’étais amnésique et je viens juste de me souvenir de qui je suis. Il m’a serrée dans ses bras, j’ai pleuré je ne l’avais jamais vu cet homme. Il a pris mon maigre baluchon, j’ai laissé ma poupée et j’ai quitté la maison de mon bourreau et mon père m’a présentée à une religieuse, m’a dit c’est la soeur de ta maman, pendant que je vais chercher du travail elle va s’occuper de toi. Tu vas apprendre la couture, la broderie puis a tes 21 ans tu me rejoindras. On trouvera pour toi un beau parti et tu vivras heureuse.
Il a déposé un baiser sur mon front et à ce jour je ne l’ai jamais revu.

A suivre

Auteur : Eva Joe

Ma plume ne s'essouffle jamais, elle dessine des arabesques sur la page de mes nuits, elle se pare comme un soleil en defroissant le ciel. En la suivant vous croiserez tantôt Pierrot et Colombine dans mes poèmes ou Mathéo et son secret et bien d'autres personnages dans mes nouvelles et mes suspenses.

12 réflexions sur « L’enfant de personne/2 »

      1. Parfois on ne tire pas le bon numéro. Des familles… Qui sont plutôt des malades…violer l’enfance dans tous les sens du mot…

        Merci d’être venu dans mon zntre.

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  1. Bonjour Evajoe,

    Oui, triste destin. Horrible même. je me souviens de cette histoire écrite sur ton autre blog. je trouve que tu es très douée pour brosser des portraits saisissants et hauts en couleurs.
    Gros bisous

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    1. Bonjour Martine,

      C’est la première fois que je l’écris. Sur mon autre blog c’était fort différent. C’était un kidnapping d’une jeune fille qui était enfermée dans un souterrain à la merci d’un rustre.
      Je pense que c’est à cause de Pierrot un peu simplet que tu penses que je l’ai déjà écrit.

      Là cela se passe avant la première guerre mondiale et sans rien te dévoiler ça va courir sur une centaine d’années.
      Merci de ton commentaire j’espère que tu as vu le début ( l’enfant de personne 1).

      Bisous

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    1. Désolé… Pas toi, c’est moi qui devrait être désolée de vous entraîner dans une histoire noire, sordide… Oui mais hélas ça existe.
      Mais je n’écris pas que du sordide, du moche, du terrible…C’est juste qu’il faut que je l’écrive pour me libérer la tête et enfin écrire autres choses.

      Mais qui sait au fil des pages tout peut se transformer, changer… Une lueur… D’espoir…

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